Rebecca, votre musique aborde des thèmes comme l'acceptation de soi et la solitude des jeunes. Qu'est-ce qui vous a poussé à explorer ces sujets et comment espérez-vous que vos auditeurs se sentiront après avoir écouté vos nouvelles compositions ?
Les thèmes que j’aborde dans ma musique sont introspectifs, car je suis souvent perdue dans le silence de ma solitude. D’ailleurs je pense que c’est justement dans ces moments de réflexion que j’ai réalisé que, parfois, les mots n’ont aucun poids face à un cœur détruit. Alors j’ai cherché un moyen de redonner confiance à ces mots.
À ce moment-là, la musique m’a semblé aussi évidente que le fait de respirer quand on naît. À mes yeux, seule la musique peut transformer ces mêmes mots en pansements pour les blessures de l’âme, pour nos maux.
Ce que j’espère… Vous savez, je pense que dans la vie, on vit une rencontre qui bouleverse complètement notre vision du monde. Une personne à qui l’on confie des choses qu’on ne partage normalement qu’avec soi-même. Une personne qui absorbe tout ce qu’on dit, et qui veut toujours en entendre plus.
Tu lui montres qui tu es quand tu es seul, sans filtre, sans masque.
Cette relation, qu’on peut appeler de mille et une façons, qui peut durer une nuit ou toute une vie…
J’aimerais que ma musique soit cette rencontre, ce moment.
Où dès les premières notes, l’auditeur ressente une connexion inexplicable.
Au fond, je crois que mon plus grand rêve… Serait qu’une de mes musiques fasse partie de la bande originale de la vie de quelqu’un.
La Lune semble jouer un rôle significatif dans vos œuvres. Pouvez-vous nous expliquer l'importance symbolique de la Lune dans votre démarche artistique, et comment elle guide votre vision créative ?
Vous avez déjà joué à cache-cache ?
Probablement quand vous étiez plus jeune ?
Personnellement, c’est lors d’une partie de cache-cache que j’ai rencontré la Lune.
À l’instant où j’ai posé les yeux sur elle, je me suis sentie apaisée, comme soulagée d’un poids. Aaaah… Je m’en souviens comme si c’était hier.
Ce clair de lune qui est venu enlacer et bercer mes larmes, sans rien dire, sans rien demander, sans aucun jugement… Elle m’a sauvée de mes insomnies !
Alors, à force de la voir encore, et encore, et encore… veiller chaque nuit sur nous et nos rêves, puis repartir en silence, sans rien attendre en retour, ça m’a tout simplement semblé être une évidence qu’elle devienne le centre de mon univers.
Comme une façon de la remercier pour toutes ces années de cachettes et d’amour.
Elle est, pour moi, ce que je souhaite que ma musique soit pour les autres : un espace mystérieux, réconfortant, apaisant, chaleureux.
Car au fond, j’ai la conviction que ce clair de lune éclaire tout simplement le chemin vers notre bonheur.
Comment votre expérience personnelle avec l'insomnie et les doutes a-t-elle influencé vos précédents albums et en quoi voyez-vous cela comme une force créative dans vos projets actuels ?
Vous avez déjà vécu plusieurs insomnies d’affilée ?
Parce que moi, oui…
Et… Oh mon Dieu…
Je peux vous assurer que c’est un terrain propice aux ruminations. Et qui dit ruminations dit… DOUTES !
Alors pour tout vous avouer, je pense que ce n’est pas ça qui a influencé mon projet précédent : c’en était carrément le cœur.
Ce besoin de cracher, voire de vomir ce mal-être qui m’envahissait, qui m’empoisonnait.
J’ai eu besoin de sortir tout ça avant de ne plus pouvoir survivre. Avant que même ma cachette sur la Lune ne suffise plus.
Évidemment, au moment de prendre la décision de vivre pleinement, sans me cacher du regard des autres, j’ai douté.
J’ai douté, parce que j’avais peur de ne plus pouvoir revenir en arrière, peur de goûter à mon rêve, et ne plus accepter qu’il reste seulement un rêve…
J’ai douté, parce que mon passé hantait mon futur, et me faisait peur dans le présent.
J’ai douté, d’avoir peut-être mal interprété cet instinct qui me criait que le chant était mon oxygène, ma raison d’être, ma scène d’expression.
J’ai douté de réussir, de tenir bon…
Bref, j’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup trop douté !
(Merci les ruminations, d’ailleurs, pour ça.)
Et aujourd’hui ?
Eh bien… je doute toujours autant, haha.
Mais différemment. Je doute de tout et de rien.
À chaque nouvelle chanson, je doute.
À chaque nouvelle sortie, je doute.
À chaque publication, je doute.
Mais… même dans ces moments-là, quand je cours me réfugier sur la face cachée de la Lune pour pleurer dans la chaleur de ses bras.
Je sais que j’en ai besoin, parce que ça fait partie de moi. De mon processus émotionnel, et donc artistique.
C’est grâce à ces doutes, toujours plus nombreux, que je me réinvente, que je me redécouvre, et que je me surprends à avoir la rage de leur prouver qu’ils ont tort.
Alors, au fond…
Même si, sur le moment, je hais mes insomnies et mes doutes de chaque cellule de mon corps…
Je sais qu’au fond, j’en ai besoin.
Et que d’une certaine manière je les aime.
Vos trois nouveaux titres semblent adopter une ambiance plus lumineuse et festive comparée à vos travaux antérieurs. Qu'est-ce qui a inspiré ce changement de ton, et qu'espérez-vous atteindre artistiquement à travers cela ?
Après avoir retrouvé un cycle de sommeil disons… plus vivable, j’ai pu retrouver un état d’esprit plus ou moins sain. J’ai découvert un autre monde, complètement différent de celui dont je me souvenais avant ma partie de cache-cache.
Je m’y suis sentie perdue, déboussolée.
Alors, tout naturellement, j’ai commencé à m’interroger : qu’est-ce qu’« être » dans un monde saturé de signes, d’images et de projections ?
Qui suis-je, derrière les pixels, les souvenirs, et les regards des autres ?
Si le réel est un rêve, alors pourquoi devrais-je vivre dans celui des autres plutôt que dans le mien ?
L’image que je renvoie est-elle une illusion, façonnée par les attentes et les reflets des autres ?
Je suis éphémère… alors pourquoi est-ce que je cherche à combattre ce fait ?
C’est tous ces nombreux pixels de questions qui m’ont bercée pour ce nouveau projet.
Néanmoins, malgré ce que l’on pourrait penser, je ne cherche pas à atteindre une destination, ni une réponse.
Parce que je sais, depuis le début, que je n’en aurai pas.
Je cherche… je sème des questionnements à droite, à gauche, sans forcément espérer que quelque chose pousse.
Au fond, je veux ressentir, plutôt que comprendre.
Je traite les « réponses » comme des checkpoints dans mon voyage intérieur — parfois confus, parfois obscur… et parfois lumineux.
Étant une artiste électro-pop engagée, comment percevez-vous votre rôle dans la sensibilisation aux questions de santé mentale, et quelles initiatives aimeriez-vous voir dans l'industrie musicale pour mieux soutenir cette cause ?
Pour moi, mon rôle est avant tout de créer un espace où l’on peut projeter ou déverser ses propres doutes, rêves, larmes, vérités, peurs etc.
À travers ces espaces, la musique traduit ce que l’on peut vivre en silence, caché derrière nos sourires, ou nos réponses automatiques : la confusion, l’angoisse existentielle, la solitude, les émotions souvent invisible, les pensées floues ou encore les fragilités que l’on tait.
Du coup il faudrait peut-être imaginer un lieu (accessible pour tous.tes et par tous.tes), déconnecté de toute pression, où la santé mentale ne serait pas une urgence qu’on traite en silence, mais une dimension pleinement intégrée à l’acte créatif. On pourrait appeler ça une « résidence intérieure » en référence à la « résidence artistique ».
L’idée serait de penser un lieu où la santé mentale est considérée comme une condition essentielle de la création, et non comme une conséquence à gérer quand tout va mal.
On y viendrait pour se retrouver, se réparer, se réaccorder à soi-même. Un lieu où le repos est perçu comme un acte positif, et la fragilité comme une force créatrice.
Ce serait aussi une plateforme de partage, avec des témoignages, des expérimentations (avec le silence, par exemple), où l’on jouerait sans quête de performance.
Un espace où l’on s’extrait de la production constante, pour cesser de se demander « Qu’est-ce que tu vends ? », et plutôt se poser la question « Comment vas tu, vraiment ? » avec des professionnels toujours disponible sur place, selon les besoins de chacun.
Contrairement à ce que l’on nous apprend, je crois que notre force réside dans notre capacité à transformer les états de l’âme en matière sonore.
Car de mon vécu personnel, c’est toujours dans les moments de lenteurs, de soin et de décompression que ma musique est la plus sincère et la plus humaine.
À l'approche de la sortie de votre nouvel EP, que signifie pour vous cet album en termes d'évolution personnelle et professionnelle, et que souhaiteriez-vous que vos auditeurs retiennent principalement de cette œuvre ?
OULALA !
Alors, commençons par le plus simple à mes yeux, haha.
Professionnellement parlant, je me suis beaucoup plus lâchée !
J’espère tout d’abord que les auditeurs ressentiront que ma timidité s’est atténuée… que, petit à petit, je leur fais de plus en plus confiance.
Je me livre de manière plus intime, plus concrète dans ma plume.
J’ose plus d’expérimentations dans la musique, et surtout… je m’amuse davantage avec elle — quitte à parfois être complètement à côté de la plaque.
Personnellement parlant, eh bien… que dire, haha.
Ce projet m’a apporté beaucoup de nouvelles perceptions du monde, et de notre rapport aux autres.
En vrai, si je devais tout expliquer concrètement, je finirais en dissertation philosophique.
Alors disons simplement que ça m’a permis de comprendre que si être humain est, par essence, insatisfaisant (merci Schopenhauer !), autant danser dans ce cycle interminable de frustration et d’ennui.
Au moins, je dormirai comme un bébé la nuit !
Sur ce nouveau projet cyberpunk, je tisse un peu plus ce fil qui relie les fragments d’un "moi" en quête de sens. Je cherche surtout à ce que l’auditeur se questionne sur cette voix fragile qui tente d’exister dans une errance douce-amère — malgré la fuite, malgré le doute, malgré l’illusion.
Malgré le chaos, cette petite voix trouve parfois la clarté d’un clair de lune pour guider nos pas.
Pour plus d'informations : https://www.instagram.com/rebeccamoon.officiel